M. Sazonoff a répondu que la Russie serait, par conséquent, obligée
d'ajourner également le renvoi de la classe qu’elle maintient sous les
drapeaux à titre provisoire depuis trois mois.
Georges Louis.
Nr. 767.
M. Georges Louis, Ambassadeur de France
à Saint-Pétersbourg, à M. Jonnart, Ministre des
Affaires étrangères.1)
Saint-Pétersbourg, le 10 février 1913.
En faisant connaître à Votre Excellence, par télégramme, ce que
m’avait dit M. Sazonoff de ses entetiens avec la Prince de Hohenlohe-
Schillingsfürst, j’ai indiqué que l’envoyé autrichien n’avait pas dissimulé
les vives inquiétudes causées à Vienne par l’agitation qui
s’est produite dans les provinces serbes de la Monarchie,
dès les premières victoires remportées par les coalisés.
«Cette agitation soudaine, profonde, a été la seule cause de nos
armements, a ajouté le Prince. Comment avez-vous pu penser que nous
songions à vous attaquer? Jamais, en aucun temps, la Russie et l’Autriche
ne se sont fait la guerre. Quelles raisons aurions-nous aujourd’hui de
vous la déclarer? Dans toute cette crise, nous n’avons eu en vue que de
contenir les Serbes du dedans et ceux du dehors.»
«Je n’ai pas cru un seul moment à une attaque de l’Autriche contre
la Russie, a répondu M. Sazonoff. On sait à Vienne que nous sommes
prêts. Mais nous nous sommes rendu compte qu’un de vos partis poussait
à un coup de force contre la Serbie, et il est certain pour nous que, si
ce parti arrivait à ses fins, notre opinion publique en serait tellement
émue que le Gouvernement russe pourrait bien difficilement rester immo¬
bile.»
. Sans répondre, le Prince de Hohenlohe a continué: «Les diffi¬
cultés auxquelles le Gouvernement autrichien doit faire
face sont immenses. Heureux les pays comme le vôtre où toutes
les races se sont fondues».
«Nous n’en sommes pas encore là, a répliqué M. Sazonoff. Il n’y a
de fusion parfaite qu’en France.»
«En tout cas, a »conclu sur ce point le Prince de Hohenlohe, vous devez
tenir compte du trouble que les événements des derniers mois ont jeté
dans notre vie publique.»
Georges Louis.
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1) Livre Jaune 1912, II, Nr. io5.